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20/12/2021
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Survenance ou aggravation de la maladie durant l’exercice des fonctions : le droit du travail gagnerait à s’inspirer du statut des fonctionnaires
Chacun connaît l’usage abusif des arrêts-maladies par les salariés de droit privé. Cet abus trouve souvent sa source dans la recherche indue d’une protection. Protection contemporaine avec une procédure de licenciement ou son imminence pressentie. Celle-ci atteint son paroxysme si la maladie est déclarée d’origine professionnelle. L’employeur privé est dépourvu de recours ou presque. Aussi contre intuitif que cela paraisse, l’employeur public est mieux loti. Le droit de la fonction publique distingue deux régimes : la maladie professionnelle classique, proche du système de droit privé dans ses modalités de reconnaissance. Et, en parallèle, celui de la maladie contractée ou aggravée en service. Le droit privé gagnerait à s’inspirer du droit public. Ce régime subtil permettrait de limiter l’usage abusif de la maladie d’origine professionnelle.
Notre régime de la maladie en droit privé est manichéen. Soit, nous sommes en présence d’une maladie professionnelle. Soit, il s’agit d’une maladie classique. La différence est simple. La maladie professionnelle est celle contractée en lien avec le travail. Ou, survenant au lieu et au temps du travail. Mais ces deux régimes -maladie simple ou maladie professionnelle, accident simple ou accident du travail – connaissent une différence de protection incomparable.
Le caractère professionnel de la maladie assure des indemnités journalières. Elles s’élèvent à
L’addition est également salée pour l’employeur ! Au-delà d’un an d’ancienneté, il est tenu de verser une indemnité complémentaire. Le montant correspond à 90% de la rémunération brute normale pour la maladie professionnelle. A la suite des 30 premiers jours, 66,66%. Cette indemnité, également prévue pour la maladie non professionnelle, est bien moindre et plus courte !
La difficulté réside dans une particularité du régime de la maladie professionnelle. Avec celle-ci, l’employeur se trouve pieds et poings liés. Il ne peut démontrer une origine de la maladie autre que le travail. Même si cette cause est connue, déterminante et d’origine personnelle : c’est sans conséquence. Même la faute du salarié n’impacte pas la reconnaissance du caractère professionnel. Des arrêts pour maladie professionnelle ont donc une origine non imputable directement ou entièrement à l’employeur.
Une catégorie intermédiaire existe en droit public. Elle permet de régir ces situations : la maladie en lien avec le travail mais non causée par l’exécution de celui-ci. Son origine peut être étrangère au travail ou causée par une faute/un acte de l’agent concerné. En présence d’une maladie contractée ou aggravée au cours de la mission, l’agent perçoit une indemnisation. Mais, son montant est intermédiaire : entre celle octroyée pour maladie non professionnelle et celle pour maladie professionnelle.
Le Conseil d’Etat a récemment réaffirmé cette règle en présence d’un syndrome anxiodépressif. Un responsable technique et administratif souhaitait faire reposer sa maladie sur son service. La Cour Administrative d’Appel de Versailles avait reconnu la survenance de la pathologie durant l’exercice des fonctions. Le Conseil d’Etat a légitimement nuancé le principe : le demandeur « avait adopté dès le changement de président et de directrice une attitude systématique d'opposition ». Or, ce comportement pouvait être la cause déterminante de la dégradation de ses conditions d'exercice professionnel. Celui-ci est donc « susceptible de constituer dès lors un fait personnel de nature à détacher la survenance de la maladie, du service (…) ». Le régime de la maladie non professionnelle doit s’appliquer.
Si le droit du travail privé évoluait en s’inspirant de ce régime, l’avancée serait conséquente. On pourrait attribuer à un acte personnel du salarié, l’aggravation de son état de santé. De même, en présence de circonstances particulières. Si la cause déterminante de la dégradation des conditions de travail est un fait personnel par exemple, le régime de la maladie contractée ou aggravée du fait du service serait écarté. Le régime de la maladie non professionnelle s’appliquerait. Cela aurait deux importantes conséquences : le coût de l’indemnisation durant l’arrêt-maladie « hybride » serait inférieur pour l’employeur. En outre, la protection absolue contre le licenciement (sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le poste) disparaîtrait. L’employeur retrouverait sa faculté de rompre le contrat.
Une bouteille à la mer, en ces jours de campagne présidentielle.
CE, 22 octobre 2021, « Syndicat mixte X », n°437254
Nicolas C. Sauvage
Mathilde De Sloovere
Notre régime de la maladie en droit privé est manichéen. Soit, nous sommes en présence d’une maladie professionnelle. Soit, il s’agit d’une maladie classique. La différence est simple. La maladie professionnelle est celle contractée en lien avec le travail. Ou, survenant au lieu et au temps du travail. Mais ces deux régimes -maladie simple ou maladie professionnelle, accident simple ou accident du travail – connaissent une différence de protection incomparable.
Le caractère professionnel de la maladie assure des indemnités journalières. Elles s’élèvent à
- 60% du salaire journalier de base (SJB) pour les 28 premiers jours,
- 80% au-delà…
L’addition est également salée pour l’employeur ! Au-delà d’un an d’ancienneté, il est tenu de verser une indemnité complémentaire. Le montant correspond à 90% de la rémunération brute normale pour la maladie professionnelle. A la suite des 30 premiers jours, 66,66%. Cette indemnité, également prévue pour la maladie non professionnelle, est bien moindre et plus courte !
La difficulté réside dans une particularité du régime de la maladie professionnelle. Avec celle-ci, l’employeur se trouve pieds et poings liés. Il ne peut démontrer une origine de la maladie autre que le travail. Même si cette cause est connue, déterminante et d’origine personnelle : c’est sans conséquence. Même la faute du salarié n’impacte pas la reconnaissance du caractère professionnel. Des arrêts pour maladie professionnelle ont donc une origine non imputable directement ou entièrement à l’employeur.
Une catégorie intermédiaire existe en droit public. Elle permet de régir ces situations : la maladie en lien avec le travail mais non causée par l’exécution de celui-ci. Son origine peut être étrangère au travail ou causée par une faute/un acte de l’agent concerné. En présence d’une maladie contractée ou aggravée au cours de la mission, l’agent perçoit une indemnisation. Mais, son montant est intermédiaire : entre celle octroyée pour maladie non professionnelle et celle pour maladie professionnelle.
Le Conseil d’Etat a récemment réaffirmé cette règle en présence d’un syndrome anxiodépressif. Un responsable technique et administratif souhaitait faire reposer sa maladie sur son service. La Cour Administrative d’Appel de Versailles avait reconnu la survenance de la pathologie durant l’exercice des fonctions. Le Conseil d’Etat a légitimement nuancé le principe : le demandeur « avait adopté dès le changement de président et de directrice une attitude systématique d'opposition ». Or, ce comportement pouvait être la cause déterminante de la dégradation de ses conditions d'exercice professionnel. Celui-ci est donc « susceptible de constituer dès lors un fait personnel de nature à détacher la survenance de la maladie, du service (…) ». Le régime de la maladie non professionnelle doit s’appliquer.
Si le droit du travail privé évoluait en s’inspirant de ce régime, l’avancée serait conséquente. On pourrait attribuer à un acte personnel du salarié, l’aggravation de son état de santé. De même, en présence de circonstances particulières. Si la cause déterminante de la dégradation des conditions de travail est un fait personnel par exemple, le régime de la maladie contractée ou aggravée du fait du service serait écarté. Le régime de la maladie non professionnelle s’appliquerait. Cela aurait deux importantes conséquences : le coût de l’indemnisation durant l’arrêt-maladie « hybride » serait inférieur pour l’employeur. En outre, la protection absolue contre le licenciement (sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le poste) disparaîtrait. L’employeur retrouverait sa faculté de rompre le contrat.
Une bouteille à la mer, en ces jours de campagne présidentielle.
CE, 22 octobre 2021, « Syndicat mixte X », n°437254
Nicolas C. Sauvage
Mathilde De Sloovere